Lectrice publique

Femme qui lit à voix haute devant tout le monde

Frédérique Bruyas, lectrice publique

À lectures vivantes, verticales, Frédérique Bruyas donne la Parole à l’Autre. À voix haute et ouverte, elle donne corps aux auteurs. À travers des objets d’art appelés livres. Elle entre dans le texte comme sur une scène, chaque mot a son corps, chaque geste éprouve un caractère, en chaque silence bat une substance.

Frédérique Bruyas visite les livres à manière organique. Elle en fait entendre l’inouïe. En chaque bouche, elle épie le derme. À travers ses lectures, se courbent des genres, s’enflent des catégories grammaticales, défluent et se gravent des étymologies.

Chaque vocalisation décrit un objet, une histoire, un phénomène physique. À flux lents, saccadés, à débits rapides, à grands jets de répétitions, à insistances lettrées, Frédérique Bruyas géo-maîtrise, ces petits objets d’art tombés sur la terre, à angles doux. La lectrice nous livre le moment même où le mot s’ouvre à sa propre peau, où l’histoire va forer puis ériger un événement comme un mouvement cardiaque.

Aux lectures de Frédérique Bruyas, on n’est jamais seul dans la fiction – on arpente seulement les mots qui manquent. Sous la façade des livres, on perçoit des rumeurs, des fantasmes, les visages du ciel, des bribes d’opéras.

La lectrice tourne les pages. Sous son geste élastique, parfois nous pétrissons des mots mous, pour que la consonne ne dure.

Entourée de musiciens aux tempes électriques, imbibée de numérique, d’images et magnétiques, Frédérique Bruyas déchiffre l’empreinte des mots.

La langue frappe, enroule, respire la matière de l’histoire. Son corps sonne sous les pas, le pouls enregistre les vibratos et l’ensemble chrome la scène.

Attention, maintenant l’histoire coule des gorges, les personnages découlent des livres, en sortent, deviennent des êtres sonores. Ils nous frôlent, nous déglutissent, nous respirent à lèvres ajustées.

Frédérique Bruyas mord et souffle le présent, le continuellement présent. Dans nos veines, tremble encore la strate d’une image, un reste de scène.

Dans vos oreilles, Frédérique Bruyas éduque le silence à voix haute.

Écoutez.

Anne de Commines