La vie des gens

Le vif du vivant


Frédérique Bruyas
lecture

Textes de Maylis de Kerangal, Annie Ernaux, Albert Camus, Jack London, Karen Blixen…

Juger qu’il y a des vies « ordinaires », c’est oublier que le sang qui coule dans nos veines inspire des rêves, des désirs, implique des choix qui détermineront la singularité de chacune d’entre elles. La littérature nous les fait connaître, nous permet d’en comprendre leurs moments de vérité. Il n’est d’ordinaire que celui ou celle qui s’en tient à la surface des choses.  

« Elle s’écarta d’un pas du visage immobile puis se baissant comme lorsqu’elle était entrée dans la cachette, elle se glissa au-dehors toujours en silence.
A l’orée du bois, elle s’arrêta et chercha du regard le sentier de la prairie. Elle le trouva presque aussitôt et reprit le chemin de la maison.
Son mari n’avait pas encore atteint la lisière de la forêt. Tout à coup, il l’aperçut et l’appela joyeusement. L’instant d’après, il la rejoignit. Le sentier était si étroit que Sigismond dut rester derrière Lise et il ne la toucha pas. Elle le devançait d’un pas et se disait : « Tout est fini. »
Il remarqua enfin son silence et se rapprocha pour la regarder :
– Lise ! Que se passe-t-il ?
Elle cherchait quoi dire.
– J’ai perdu ma bague.
– Quelle bague ?
– Ma bague de mariage.
En s’entendant prononcer ces mots, elle en comprit le sens : sa bague de mariage !
Par cet anneau, que l’un des acteurs du drame avait fait tomber et que l’autre avait repoussé du pied, par cet anneau perdu, elle s’était liée à quelque chose ; mais à quoi ? A la pauvreté, la persécution, la solitude totale ?
– Vous rappelez-vous à quel moment vous aviez encore votre bague ?
– Non.
– Avez-vous quelque idée de l’endroit où vous l’avez perdue ?
– Non ! Je n’en ai pas la moindre idée. » Karen Blixen

Durée : 1h