Histoires de famille

Les liens du sang


Frédérique Bruyas
lecture

Textes de Annie Ernaux, Albert Camus, Paule Du Bouchet, Hugo Hamilton, Marcel Moreau, Camille Laurens, Rick Moody, …

Comment ces hommes et ces femmes se sont-ils construits ? Par le manque, l’excès d’amour reçu en famille, en rupture souvent avec leur milieu d’origine ou tout simplement en se libérant pour un temps seulement de liens jugés trop étroits ? Chacun s’est frayé sa voie vers l’écriture avec le besoin de revenir le temps d’un livre à ces liens du sang.

« Quand on est petit, on ne sait rien.
Quand j’étais petit, je me suis réveillé en Allemagne.
J’ai entendu des cloches, je me suis frotté les yeux et j’ai vu le vent qui gonflait les rideaux comme un gros ventre. Et puis je me suis levé, j’ai regardé par la fenêtre et j’ai vu l’Irlande. Après le petit déjeuner, on est tous sortis dehors en Irlande et on est allés à la messe à pied. Après la messe, on est descendus au grand parc vert au bord de la mer, parce que je voulais montrer à ma mère et à mon père que je pouvais me tenir debout sur le ballon et compter jusqu’ à trois avant que la balle gicle de sous mes pieds. Je courais après mais je ne voyais rien avec le soleil dans les yeux et je suis tombé sur un homme couché dans l’herbe, la bouche ouverte. Il s’est redressé tout d’un coup en criant : « Crénom de Dieu ! » Il m’a dit qu’à l’avenir il fallait regarder où j’allais. Alors, je me suis vite relevé et j’ai filé rejoindre ma mère et mon père. Je leur ai raconté que le monsieur avait dit « Crénom de Dieu ! » mais ils avaient tous les deux le dos tourné et ils riaient en regardant la mer, comme s’ils se moquaient d’elle. Mon père riait et clignait les yeux derrière ses lunettes, ma mère avait la main sur la bouche et elle riait en regardant la mer, elle riait tellement qu’elle en avait les larmes aux yeux et j’ai pensé : peut-être qu’elle ne rit pas du tout mais qu’elle pleure. » Hugo Hamilton

Durée : 1h

Enfances

Pages d’enfances vécues ou imaginées


Frédérique Bruyas
lecture

Textes de Mark Twain, Zyrànna Zatèli, Jacques Rebotier, Goliarda Sapienza, Réjean Ducharme, Tarjei Vesaas, Margaret Atwood, …

Nos vies d’enfants ont en commun ce va-et-vient entre la réalité et la fiction, l’ici et l’ailleurs, le bien et le mal et finalement s’écrivent à l’intérieur de nous comme les toutes premières pages d’une histoire qui n’aurait pas de fin.

Cette lecture effeuille des pages d’enfances vécues ou imaginées. Et c’est alors qu’à leur écoute, nous retrouvons le livre épuisé de notre propre enfance.

« Pour Halloween de cette année-là — l’année où ma sœur fêta ses deux ans —, je me déguisai en Cavalier sans tête. Avant, je m’étais contentée de jouer les fantômes ou les dondons, deux déguisements faciles : il suffisait d’un drap et de beaucoup de talc ou bien d’une robe, d’un chapeau et de rembourrage. Mais, là, ce serait la dernière fois où je pourrais me déguiser, du moins je le croyais. Je devenais trop grande pour ça — j’approchais de mes quatorze ans —, de sorte que je ressentis le besoin de fournir un effort particulier.

Halloween était ma fête préférée. Pourquoi me plaisait-elle autant ? Peut-être parce que je pouvais me dispenser un moment d’être moi-même ou de me faire passer pour moi, rôle que je trouvais de plus en plus indiqué, mais aussi de plus en plus pesant, à assumer en public. » Margaret Atwood

Durée : 1 h

L’homme révolté

Résistance et engagement


Frédérique Bruyas
lecture

Textes de Albert Camus, Romain Gary, Victor Hugo, Emile Zola, Louise Michel, Antonin Artaud, Dimitris Dimitriadis, …

Personne mieux qu’Albert Camus n’a défini le double mouvement de l’être qui se révolte : « Qu’est-ce qu’un homme révolté ? Un homme qui dit non. Mais s’il refuse, il ne renonce pas : c’est aussi un homme qui dit oui, dès son premier mouvement. »

« Le rude travail de la terre m’apparaissait tel qu’il est, courbant l’homme comme le bœuf sur les sillons, gardant l’abattoir pour la bête quand elle est usée ; le sac du mendiant pour l’homme, quand il ne peut plus travailler ; le fusil de toile comme on dit dans la Haute-Marne.

On n’amasse pas de rentes en travaillant la terre, on en amasse à ceux qui en ont déjà trop.

L’ombre des bois, les moissons blondes que le vent agite comme des vagues, est-ce que le paysan n’est pas trop fatigué pour trouver tout cela beau ? La besogne est lourde, la journée est longue, mais il se résigne, se résigne toujours. Est-ce que la volonté n’est pas brisée ? L’homme est surmené comme une bête.

Ma pitié pour tout ce qui souffre, pour la bête fluette, plus peut-être que pour l’homme, alla loin ; ma révolte contre les inégalités sociales alla plus loin encore ; elle a grandi, grandi toujours, à travers la lutte, à travers l’hécatombe ; elle est revenue de par-delà l’océan, elle domine ma douleur et ma vie. » Louise Michel

Durée : 1h

L’artiste au travail

L’élan créateur


Frédérique Bruyas
lecture

Textes de Albert Camus, Torgny Lindgren, Pascal Quignard, Jacques Rebotier, Lydie Salvayre, Emile Zola, Honoré de Balzac, …

La création reste un mystère qui fait de la vie d’un artiste, une quête, une lutte, un effort, une folie. La littérature nous laisse imaginer toute la force et l’incroyable énergie nécessaires à l’élan créateur.

« Lorsqu’on a beaucoup dessiné, les formes viennent seules et quasiment sans vous, dit-il dans la légende. Et ces formes, dont il est le porteur, il les projette en un éclair par crainte qu’elles ne lui échappent, avec ce qu’il trouve sur-le-champ, une craie, un crayon noir ou de couleur ; sur un carton abîmé, un rebut, un carnet ; à l’étroit, il s’en fout, du hasard il fait un bonheur. Il les jette, de jour comme de nuit et sans mesure aucune, d’un mouvement affirmé, nécessaire, irrattrapable, il les jette à la barbe des travailleurs de tous plumages, mais surtout à la barbe des travailleurs de l’art, qui sont les plus tristes de tous. Dit-il. » Lydie Salvayre

Durée : 1h

La faim des livres

Qu’est-ce que manger ?


Frédérique Bruyas
lecture

Textes de Muriel Barbery, Alain Mabanckou, Karen Blixen, Peter Handke, Philippe Claudel, Christophe Tarkos, Claude Pujade-Renaud, Radhika Jha, …

Une saveur essentielle et oubliée, un repas légendaire, le souvenir du bruit d’une noix que l’on casse, en bref une vraie question : qu’est-ce que manger ?

« – La lumière cuit-elle?
– Non, la lumière ne cuit pas, seul le feu cuit, la lumière réchauffe lentement.
– Est-ce qu’une femme peut faire cuire le pain que je vais manger?
– Oui, une femme peut faire cuire le pain que tu vas manger vêtue d’une longue robe bleue couverte de perles rouges et argentées dans les cheveux dans la nuit contre le feu.
– Le feu fait cuire.
– Oui, le feu est le seul qui sait cuire. » Christophe Tarkos

Durée : 1h

Des livres et des nuits

Nuits d’encre

 

Frédérique Bruyas lecture

Textes de Antoine de Saint-Exupéry, Louis-Ferdinand Céline, Sylvie Germain, Virginia Woolf, Dino Buzzati, Anna de Noailles, …   

La nuit se vit au pluriel, elle est ombre et promesse de lumière, immense comme la mer et à hauteur d’homme, terrifiante et accueillante toute à la fois. Et puis comme l’écrit Marguerite Duras, « Un livre ouvert c’est aussi la nuit. »

« Mais qu’est-ce après tout qu’une nuit ? Un court espace, surtout lorsque l’ombre s’évanouit si vite, et que si vite un oiseau chante, un coq s’égosille, un vert pâle s’avive, comme une feuille qui se retourne, dans le creux de la vague. La nuit, cependant, succède à la nuit. L’hiver en tient un paquet en réserve et les débite également, impartialement, avec des gestes infatigables. Elles s’allongent ; elles s’assombrissent.

Quelques-unes d’entre elles tiennent haut de claires planètes, disques de clarté. Les arbres d’automne luisent au jaune clair de lune, à la clarté des lunes de moisson, la clarté qui mûrit l’énergie du travail et amène la vague à venir laper toute bleue sur la grève. » Virginia Woolf

Durée : 1h